23 Mar Brigitte Wartelle, associée de Trust Management Advisors – Stratorg
Il faudrait redonner de la place au dialogue social à la hauteur des enjeux de société.
Qu’est-ce qui vous a amené à orienter votre parcours professionnel vers le champ des relations sociales ?
Très jeune, j’ai choisi des orientations avec une dimension humaine ou sociale. J’ai d’abord étudié les sciences économiques puis j’ai intégré la section « politique économique et sociale » de Sciences Po. J’ai ensuite complété mon cursus par un cycle de formation en ressources humaines au CELSA.
J’ai effectué toute ma carrière chez Stratorg, aujourd’hui appelé TMA (Trust Management Advisors), société de conseil et de services aux directions générales dédiée au management par la confiance, dont je suis directrice associée.
A l’origine, Stratorg voulait marier stratégie et organisation dans l’entreprise en rajoutant une dimension humaniste, ce qui à l’époque n’était pas très courant. Cela passait par la volonté de l’écoute des salariés et de ce fait de leurs représentants et la nécessité de promouvoir un dialogue social constructif.
Quel regard portez-vous sur le dialogue social aujourd’hui ? Quelles sont les évolutions souhaitables pour l’avenir ?
Le dialogue social n’a pas la place qu’il devrait avoir au niveau national. Cela fait déjà bien longtemps que le système politique ne considère plus les organisations syndicales comme de vrais partenaires et ne sait plus dialoguer avec elles. J’ai l’impression que ce qu’on appelle dialogue social est réduit à : « bon je vais les écouter » comme si c’était un passage obligé « et puis ensuite je ferai ce que j’avais prévu de faire ». Il n’y a pas de dialogue constructif. Bien souvent, le fil conducteur est déjà arrêté et ne laisse pas la place à « construire ensemble ». Le cas de la réforme des retraites en est un exemple criant : après une concertation de 18 mois, nous n’aurions pas dû en arriver à une telle situation de blocage.
Il est essentiel de retrouver un dialogue social en adéquation avec ce qui a été fait ces soixante dernières années : plus de 95 % des salariés sont couverts par une convention collective, le dialogue social a été actif. Aujourd’hui, 8 % de salariés sont syndiqués, je considère ce taux comme normal. En effet, il représente le pourcentage de salariés qui souhaite s’engager dans la voie de l’action syndicale car en France il n’y a pas d’obligation d’adhérer pour obtenir le bénéfice de ce qui va être négocier par les organisations syndicales. D’ailleurs il est à noter que la question de savoir combien il y a d’adhérents par rapport aux nombres de votants n’est pas posée aux partis politiques.
Dans les entreprises, le dialogue est très organisé mais il est très souvent réduit à la consultation obligatoire sur des projets qui sont, dans la plupart des cas, déjà bouclés. Les directions se donnent rarement le temps pour dialoguer sur le fond des projets. Tout est encadré par des textes à des rythmes préétablis.
Pourtant, un débat en amont sur les sujets-clés permet de développer une information de qualité, de lever des difficultés, de bâtir de nouvelles voies, de donner de la respiration et des marges de manœuvre et de détendre le dialogue entre les managers et les représentants du personnel.
Enfin, il faudrait redonner une place au dialogue social à la hauteur des enjeux de société. L’individualisme progresse et nous nous conduisons de plus en plus en « troupeaux de chats ». Toutes les organisations se heurtent aujourd’hui à cet individualisme indocile. La création d’un sentiment du collectif devient très difficile et les corps intermédiaires ont un rôle essentiel à jouer pour participer à ce travail et faire vivre la démocratie.
Vous êtes adhérent de l’association Réalités du dialogue social dont la vocation est de promouvoir le dialogue social. Pourquoi est-ce si important pour vous ?
L’association Réalités du dialogue social est un lieu essentiel qui permet aux acteurs du dialogue social de se rencontrer hors des théâtres et des champs de négociation. Elle permet également d’échanger librement, de débattre et de réfléchir sur les problématiques de dialogue social. Il n’existe pas beaucoup de lieux pour le faire. L’association existe depuis 1991 et il faut que cela continue !
Avez-vous vu un film ou lu un livre que vous recommanderiez à la communauté Réalités du dialogue social ?
Réformez ! par le dialogue et la confiance de Jean-Paul Bailly qui relate ses expériences en tant que président de la RATP et de La Poste. C’est un témoignage sur les grandes réformes qu’il a menées avec les obstacles qu’il a rencontrés mais également sa vision et son expérience de ce que doit être un dialogue social de qualité en confiance.
