28 Juin Christine Lê, secrétaire nationale Dialogue Social et développement de la représentativité à la CFE-CGC
« C’est souvent quand nous sommes hors de notre zone de confort que nous arrivons à faire bouger les lignes »
Qu’est-ce qui vous a amené à orienter votre parcours professionnel vers le champ des relations sociales ?
Avant de frapper à la porte de la CFE-CGC, j’étais RH. Au fil des années, mon parcours professionnel m’a permis d’ajouter plusieurs cordes à mon arc : communication, journalisme, marketing RH et les ressources humaines. En 2014, j’ai postulé à la CFE Énergies pour mettre mes compétences au profit du dialogue social, mes expériences en RH, médiation et communication au service de l’intérêt général.
Je suis engagée dans la société depuis toujours, déjà à l’école en tant que déléguée de classe. Le dialogue social, pourquoi ? pour quoi ? Tout est politique dans la vie – au travail, à la maison, en tant que citoyen. Il faut sortir du monde binaire, et porter la voix de ceux qu’on représente est un honneur. Il ne faut pas avoir peur des conflits ; il importe de libérer la parole, aborder ce qui ne fonctionne pas et trouver ensemble pour ensuite y remédier. Ce qui me semble important est d’observer le monde pour mieux agir. C’est une chance en France de pouvoir améliorer les conditions de vie des salariés. Rien n’est jamais acquis : il faut défendre les droits en révélant à chaque fois la réalité des faits.
Quel regard portez-vous sur le dialogue social et sur son rôle dans la gestion des crises diverses (sanitaire, géopolitique, économique…) ? Quelles sont les évolutions souhaitables pour l’avenir ?
En tant que syndicalistes, nous sommes malmenés depuis la pandémie ; le paritarisme est mis à mal. Cela date même depuis plus longtemps. Souvenons-nous de la réforme de la formation professionnelle qui a fait passer cette dernière d’un modèle paritaire à un business model de marché privé. Résultat : un endettement de 12 milliards d’euros. Avec la réforme des retraites, c’est le modèle social qui est attaqué. Et nous avons aussi failli voir le 1 % logement fragilisé, mais l’Etat et Action Logement ont finalement signé, ce vendredi 16 juin, la convention quinquennale qui les lie pour 2023-2027.
Notre système paritaire intéresse l’État car nos caisses sont pleines. Cela provoque de la colère mais que je transforme, me concernant, en force de proposition et en combativité. Tous les salariés doivent pouvoir se loger, se former, disposer d’une mutuelle et d’une retraite. Nous sommes entrés dans un mouvement structurel de tensions et non plus de simples pressions.
Pour l’avenir, l’évolution souhaitable est de se réaffirmer dans la société, dans notre place au niveau de l’État en matière de dialogue social. Nous avons demandé au gouvernement de remettre de la méthode, un agenda et de restaurer la confiance. Sur les impacts sociétaux, il faut la triangulaire, État, syndicat de salariés et patronat. Plus il y a de voix, une altérité du dialogue, plus nous pouvons ouvrir les champs possibles de réflexion et de solutions.
Les chantiers prioritaires actuels sont le partage de la valeur, le climat et toujours la réforme des retraites. J’ai aussi en ligne de mire les élections TPE de fin 2024. Il faut sensibiliser pour que les salariés expriment toujours leurs voix et ne pas subir. C’est un travail de dur labeur sur le terrain. Nous sommes aussi dans le renouvellement des CSE et nous poursuivons le développement de la représentativité des managers.
Vous êtes adhérente de l’association Réalités du dialogue social dont la vocation est de promouvoir le dialogue social. Pourquoi est-ce si important pour vous ?
Promouvoir, c’est expliquer, avoir de la pédagogie, rappeler l’histoire, mettre en lumière les personnes qui se sont démenées avant nous pour obtenir des droits, au bénéfice de tous les salariés et agents. Il importe aussi d’éclairer toutes les problématiques contemporaines telle qu’aujourd’hui, par exemple, la place de l’IA et du travail dans le dialogue social. Ce dernier doit continuer à œuvrer dans la négociation collective, l’emploi, la santé, le logement, la sécurisation des parcours, la formation, et les évolutions climatiques, environnementales.
Avez-vous vu un film, écouté un podcast ou lu un livre que vous recommanderiez à la Communauté Réalités du dialogue social ?
Je conseille « L’État et le dialogue social» de Guy Groux et Martial Foucault, ouvrage de la collection Sécuriser l’emploi de Sciences Po Les Presses publié en avril 2023. C’est un petit fascicule qui pointe tous les enjeux de l’aspiration à la démocratie sociale que nous devons poursuivre avec ardeur et talent.