26 Fév Anne Fourneau, Directrice du pilotage et du support commercial chez AXA Santé & Collectives
Le dialogue social prend aussi tout son sens dans ma fonction de manager
Qu’est-ce qui vous a amené à orienter votre parcours professionnel vers le champ des relations sociales ?
Au sein d’un groupe comme AXA les possibilités d’évolution dans des domaines très variés sont immenses. Je n’étais pas prédestinée à exercer dans le champ des relations sociales, si ce n’est un intérêt naturel forgé dans mon enfance heureuse au sein d’une famille à l’âme militante et dans laquelle le débat était toujours présent.
Après des études à HEC, j’ai démarré ma carrière par une dizaine d’années en direction financière avant de prendre un virage radical, rejoindre les équipes de la Direction des Ressources Humaines en tant que responsable du développement durable (appellation de l’époque). C’est à ce moment là que j’ai baigné avec délectation dans les réflexions sociologiques , les actions en matière d’égalité et de diversité, les 1ers pas vers la réduction de l’empreinte écologique. Et que j’ai découvert le monde de la négociation collective, puisque le sujet de l’égalité et de la diversité était suivi au travers d’un accord collectif et d’une Commission égalité que j’animais. Un monde nouveau pour moi, avec ses règles, ses codes, ses postures et la conscience de l’intérêt général et de la nécessité d’avancer tous ensemble. Passionnant.
Depuis j’ai changé de métier, et le dialogue social prend aussi tout son sens dans ma fonction de manager au sein de la Direction commerciale des Assurances collectives d’AXA : en interne je considère que la qualité du management est à la fois le 1er maillon et la 1ère conséquence d’un dialogue social réussi. Je me retrouve, en tant que manager de proximité, en dialogue continu avec les salariés, et avec leurs représentants. Avec ces derniers, nous devons trouver notre place respective. Et je trouve que la contradiction, le dialogue, nous permet de trouver des solutions plus intelligentes. Ensuite, dans mon domaine d’activité, les partenaires sociaux (employeurs et salariés) jouent un rôle majeur dans le pilotage des régimes de protection sociale et dans la satisfaction des salariés concernant leur protection et les services associés. Etre à l’écoute de leurs préoccupations est primordial.
Quel regard portez-vous sur le dialogue social depuis le début de la crise provoquée par la pandémie de covid-19 ? Quelles sont les évolutions souhaitables pour l’avenir et quelles seraient les pratiques à conserver ?
Les conditions d’exercice du dialogue social ont été bouleversées au même titre que les conditions de travail elles-mêmes. Pour autant, si je prends le cas d’AXA que je connais bien, entre la longue tradition d’innovation sociale et les exigences de sécurité informatique, l’entreprise était prête pour vivre un tel bouleversement :
- Le télétravail était une pratique déjà profondément ancrée dans l’entreprise et dans le dialogue social avec un 1er accord collectif datant de 2013
- Tous les collaborateurs d’AXA étaient équipés d’ordinateurs portables et des logiciels nécessaires pour basculer du jour au lendemain en travail à domicile, ce qui a été fait dès l’annonce du confinement, après la tenue en urgence d’un CSEC exceptionnel. Nous n’avions pas attendu le COVID pour dématérialiser la quasi-totalité de nos dossiers, et nous travaillons constamment sur les plans de continuation d’activité. Pour nous, salariés, managers, et représentants des salariés, ce n’était pas un sujet nouveau. D’une certaine façon, nous étions prêts.
Tout au long de l’année 2020, l’ensemble de l’entreprise, management, salariés, représentants du personnel, se sont mobilisés pour répondre à l’urgence de la crise tout en assurant l’activité courante.
Cela s’est traduit par plus de 10 CSE centraux, avec un point de partage systématique sur la situation sanitaire : intervention du médecin, point de situation covid, mesures gouvernementales, vaccins.. mais aussi les points d’attention sur le temps de travail, le droit à la déconnexion, l’isolement des salariés, les RPS… tout cela à distance et avec une forte implication et une grande discipline collective.
Et aussi, pour le dialogue social de proximité, celui entre les managers et les équipes, un fil d’information permanent, la diffusion de bonnes pratiques, l’encouragement du top management à maintenir un lien quotidien avec chaque collaborateur …
Pendant cette période, la négociation « classique » a aussi vu émerger de nouveaux accords ou avenants significatifs : télétravail, formation, salariés aidants, rémunération …
Preuve que le digital n’a rien enlevé à la dynamique et à la tradition de négociation collective de l’entreprise.
Je pense qu’au final toute l’entreprise a progressé dans l’adversité. Nous avons fait la preuve de notre résilience. Et si tous aspirent à retrouver le contact humain et la richesse de l’informel, il y a fort à parier que le distanciel et le digital trouveront leur place dans le dispositif, en fonction des enjeux et des situations.
Vous êtes adhérente de l’association Réalités du dialogue social dont la vocation est de promouvoir le dialogue social. Pourquoi est-ce si important pour vous ?
D’abord, comme tous les membres de l’association, je suis convaincue qu’un dialogue social de qualité est générateur de valeur pour l’entreprise et de bien-être pour les salariés. Je suis particulièrement sensible à deux sujets :
- Comme dans toute négociation, c’est par une meilleure connaissance des enjeux et intérêts de chacun que l’on construit les meilleures solutions. La connaissance mutuelle des acteurs du dialogue social est une des missions que s’est fixée Réalités du dialogue social, à travers l’organisation d’événements et d’échanges entre ces acteurs.
- Le manager est le 1er acteur d’un dialogue social réussi. Or nous avons relevé que peu de filières formant les futurs managers (grandes écoles, universités, …) intégraient cette dimension. C’est donc un autre cheval de bataille pour Réalités du dialogue social, et depuis quelques années nous aidons des établissements prestigieux à le faire : l’école Centrale, et cette année une session très réussie avec l’ESSEC, avec une prise en compte très appréciée des problématiques liées aux nouvelles formes de travail, aux plateformes, etc.
Avez-vous vu un film, écouté un podcast ou lu un livre que vous recommanderiez à la Communauté Réalités du dialogue social ?
Très brièvement car j’ai déjà été très longue :
- Le webinaire d’Olivier Sibony, professeur de stratégie à HEC, : « Prise de décision & biais cognitifs – l’exemple du Covid 19 ».
- Le livre d’Antoine Baron, « Levons-nous. Être dirigeant au XXIème siècle ». En partant d’un constat très factuel sur les grands défis de notre époque (climat, biodiversité, pauvreté, inclusion, gouvernance etc.), il nous invite en tant que dirigeants et acteurs de l’entreprise à repenser en profondeur notre rôle, nos représentations et croyances au sujet de l’entreprise, du travail, de la place de l’homme et de l’humain, mais aussi de la mission même de nos organisations au sein de la société. Plus important encore, il nous montre avec beaucoup de pédagogie et d’exemples concrets que les transformations dont il est question ne sont possibles que par notre propre évolution, et donc que le changement commence par chacun d’entre nous !
- Le dernier album de Gael faye, qui m’avait déjà bouleversée avec son roman « petit pays ». Je retrouve cette émotion dans ses textes qui transcrivent une histoire personnelle touchante, sa musique imprégnée à la fois de culture urbaine et de rythmes chaloupés. J’aime … tout simplement !