Caroline Blot, secrétaire fédérale Europe et International, CFDT métallurgie

« Ce qui m’intéresse, c’est d’être dans le concret, d’échanger sans langue de bois sur les réalités du terrain. »


Qu’est-ce qui vous a amené à orienter votre parcours professionnel vers le champ des relations sociales ?

Je ne viens pas du monde syndical et mes parents n’étaient pas syndiqués. J’ai passé une grande partie de ma carrière en tant qu’assistante commerciale export dans l’industrie métallurgique, notamment dans les secteurs automobile et électronique.

À un moment donné, j’ai ressenti le besoin de me syndiquer et je suis devenue déléguée du personnel dans une entreprise de moins de 50 salariés, rattachée à une grande usine de 300 salariés. Cette expérience a été un déclencheur : je voulais mieux comprendre ce qui se passait dans l’entreprise et contribuer à plus de justice sociale.

Je suis syndiquée à la CFDT depuis 2011 et j’ai exercé ce premier mandat pendant huit ans. C’est par le réseau CFDT que j’ai appris l’ouverture du poste de secrétaire fédérale. J’ai alors postulé, avec mes seules convictions en bagage. J’ai dû tout apprendre sur le terrain, au fil du temps.

Ce métier est passionnant : on ne s’ennuie jamais, les réalités évoluent en permanence. Mon rôle s’est enrichi au fil des années avec plusieurs casquettes : formation des militants des comités d’entreprise européens, expertise syndicale dans les groupes spéciaux de négociation, coordination des CEE… Cela fait sens avec mon parcours professionnel, qui a toujours été tourné vers l’international, sauf que maintenant, je le vis de l’intérieur.

Y a-t-il des faits marquants, des réalisations dont vous êtes particulièrement fière  ?

Je n’utiliserais pas le mot « fierté », mais j’éprouve une grande satisfaction lorsque des militants me remercient pour une formation, en me disant qu’elle leur est utile dans leur travail quotidien. C’est une reconnaissance qui prouve que je suis sur la bonne voie, en les aidant à mieux comprendre et agir dans leur engagement syndical.

L’Europe est souvent perçue comme une entité distante, institutionnelle, loin des réalités du terrain. À travers mes formations aux comités d’entreprise européens, j’essaie de rendre ce sujet concret, d’apporter des outils pratiques aux militants pour qu’ils puissent améliorer leur quotidien.

Parmi les événements marquants, j’ai organisé une réunion rassemblant une cinquantaine de militants des comités d’entreprise européens. J’y ai convié des représentants d’IndustriAll Europe, de la Confédération européenne des syndicats et de l’Institut syndical européen, ainsi que Laurent Berger, alors président de la CES. L’objectif était de montrer tout le panel des acteurs européens à la disposition des militants. Ce fut un moment important pour moi et pour les participants.

Vous êtes adhérente de l’association Réalités du dialogue social dont la vocation est de promouvoir le dialogue social. Pourquoi est-ce si important pour vous ?

 L’Europe sociale est un sujet qui peut sembler abstrait. Pourtant, nos militants prennent conscience qu’il est indispensable d’adopter une vision transnationale des enjeux sociaux et économiques. Aujourd’hui, toutes les restructurations sont transnationales et les décisions prises à Bruxelles ont un impact direct sur nos réalités.

Je veux montrer qu’il est essentiel d’être solidaires au-delà des frontières et de comprendre ce qui se joue à l’échelle européenne. L’association Réalités du dialogue social permet justement d’éclairer ces enjeux en confrontant les points de vue de syndicats et de dirigeants d’entreprises. Ce qui me plaît dans cette démarche et ce qui m’intéresse, c’est d’être dans le concret, d’échanger sans langue de bois sur les réalités du terrain.

Nous avons également besoin de développer un réseau européen. C’est ce que j’essaie d’inculquer aux militants : avoir un réseau CFDT, mais aussi tisser des liens au niveau européen. Le chemin pour faire comprendre que l’Europe est un sujet important, est long.

Avez-vous vu un film, écouté un podcast ou lu un livre que vous recommanderiez à la Communauté Réalités du dialogue social ?

Récemment, j’ai lu Syndiquez-vous ! de Laurent Berger. Ce livre rappelle les valeurs du syndicalisme, explique pourquoi il est essentiel de se syndiquer et permet de déconstruire certaines idées reçues. Il m’a fait du bien, car il remet les choses en perspective, surtout dans un contexte où travailler sur les dossiers européens demande beaucoup de patience et de persévérance.

Je recommande également « The Old Oak » de Ken Loach. Ce film parle de solidarité et d’intégration dans une communauté ouvrière du nord-est de l’Angleterre, à Durham, un territoire marqué par les grandes grèves des mineurs sous Margaret Thatcher.

Ce film a une résonance particulière pour moi, car j’ai eu l’opportunité de participer à la grande marche commémorative des mineurs à Durham, un moment fort où l’on rend hommage aux luttes syndicales passées. Je conseille d’ailleurs à tous ceux qui le peuvent d’y assister, c’est un événement impressionnant qui ancre l’histoire sociale dans le présent.