20 Déc Delphine Ratouit, Directrice des Opérations RH au sein de La Mutuelle Générale
« Ne pas imposer, ne pas octroyer mais bien négocier est la clé d’un climat social serein et constructif »
Qu’est-ce qui vous a amenée à orienter votre parcours professionnel vers le champ des relations sociales ?
J’ai découvert très tôt les relations sociales, d’un point de vue théorique, par ma formation initiale en droit social, avant même d’intégrer le monde de l’entreprise. Mes expériences professionnelles successives en tant que Responsable des Relations Sociales, au sein d’entreprises différentes n’ont fait que conforter mon envie de poursuivre dans cette voix.
J’ai eu la chance de pouvoir évoluer principalement dans des environnements paritaires et politiques au sein desquels l’importance du dialogue social était incontournable et reconnue.
J’ai également croisé la route de DRH qui m’ont initiée à l’art de la négociation et des relations sociales et qui avaient tous la conviction forte que ces dernières constituent un levier essentiel de la performance globale d’une entreprise. Quel que soit le secteur d’activité, j’ai ainsi très vite identifié l’importance et la force d’un dialogue social constructif et serein dans le cadre de l’accompagnement de projets stratégiques structurants au sein des collectifs de travail.
Il s’agit par ailleurs d’une matière complexe visant la recherche de solutions mutuellement acceptables, qui implique de l’écoute, du dialogue et la recherche d’un juste équilibre entre intérêt des salariés et développement de l’entreprise.
Pour se faire, il est primordial que les différents acteurs, aient conscience de leur rôle, de leurs responsabilités et de l’impact de leurs positions sur l’écosystème global de l’entreprise, qu’il soit financier, économique et social, dans une logique gagnant/gagnant.
Il ne peut cependant y avoir de dialogue social constructif sans confiance et sans preuve de confiance, et ce de façon durable, ce qui implique nécessairement une posture de considération, d’écoute, et de respect de ses engagements indispensable à la fonction.
C’est par ailleurs une matière mouvante car en lien avec l’humain qui nécessite une remise en cause perpétuelle et une humilité certaine.
Après plus de 20 ans d’activité professionnelle dans ce domaine, je reste encore convaincue du bien fondé et de la force des relations sociales en entreprise pour amorcer les enjeux et les défis des entreprises de demain.
Y-a-t-il des faits marquants, des réalisations dont vous êtes particulièrement fière ?
J’ai eu la chance d’évoluer dans des environnements très stimulants sur le plan des relations sociales dans la mesure où les Organisations Syndicales y étaient en général fortement représentées et très actives.
Dans ces conditions, accompagner en lien avec les partenaires sociaux, les transformations nécessaires liées notamment aux évolutions du marché, a toujours constitué un enjeu fort au sein des entreprises dans lesquelles j’ai évolué.
Ainsi, arriver à négocier et à signer par exemple des accords de performance collective ayant des impacts pour les salariés est le signe d’une maturité évidente du dialogue social en entreprise. Il nécessite une prise de conscience et de responsabilité collective de tous les acteurs. Cela implique un travail de pédagogie, de sensibilisation et de transparence avec les partenaires sociaux sur les enjeux d’un tel accord pour emporter l’adhésion.
Ces transformations doivent bien évidemment se faire dans le respect des salariés au travers de mesures d’accompagnement social les plus acceptables possibles au regard des enjeux. De ce fait, il est nécessaire d’anticiper les demandes légitimes de contreparties formulées par les partenaires sociaux en échange des efforts consentis.
Il s’agit d’une négociation complexe qui témoigne plus que jamais de l’importance du dialogue social au sein des entreprise.
Vous êtes adhérente de l’association Réalités du dialogue social dont la vocation est de promouvoir le dialogue social. Pourquoi est-ce si important pour vous ?
J’aime l’idée de dépasser les dogmes et les croyances réciproques, afin d’aboutir, au travers du dialogue social, à un accord et ce, dans l’intérêt commun. Ne pas imposer, ne pas octroyer mais bien négocier est la clé d’un climat social serein et constructif, dès lors que l’ensemble des acteurs ont le sentiment de ne pas être « floués ».
Il s’agit également de continuer à lutter contre les stéréotypes et les idées reçues concernant les relations sociales en entreprise, encore trop souvent perçues comme une contrainte et une lourdeur. Le dialogue social en France reste en effet parfois empreint de formalisme et de méfiance réciproque. Ma conviction est au contraire que les organisations du travail ont tout intérêt à soutenir les diverses formes de dialogue et à les articuler.
Aussi, afin d’éviter des dérives, de favoriser l’échange d’idées et de promouvoir la réussite de l’entreprise, le dialogue social s’impose comme un outil indispensable de régulation sociale des débats internes et constitue une composante essentielle de la démocratie sociale.
Le dialogue social part de la conviction ambitieuse qu’un débat fécond est susceptible d’assurer une stabilité économique et sociale à long terme et une synergie entre performance pour les entreprises et progrès social pour les salariés.
En cela, je suis fière de pouvoir m’associer et échanger avec mes pairs, mais aussi avec tous les acteurs du dialogue social, sur la place des relations sociales en entreprise, pour relever les nouveaux défis qui nous attendent (l’IA, la RSE, les nouvelles formes de travail….).
Avez-vous vu un film, écouté un podcast ou lu un livre que vous recommanderiez à la Communauté Réalités du dialogue social ?
J’ai récemment relu « Les Pensées » de Marc Aurel, un livre que j’avais lu il y a plusieurs années sans vraiment prendre conscience de la puissance de ce texte.
Malgré le fait qu’il ait été rédigé il y a 2000 ans, cet ouvrage est d’une contemporanéité étonnante ; il s’agit d’une sorte de livre de bord philosophique, qui pourrait aujourd’hui s’apparenter à un ouvrage de développement personnel.
Marc-Aurèle y soliloque pour se remémorer les règles de vie à suivre pour progresser vers la sérénité et discipliner ses actions.
Chacun pourra y puiser de salutaires conseils pour mener une vie meilleure…ou s’engager sur le chemin de la sagesse. Il s’agit d’un ouvrage à conserver toujours auprès de soi et dans lequel il fait bon se plonger, au hasard des évènements de la vie, de temps en temps.