20 Oct Sébastien Darrigrand, directeur général de l’UDES
« L’entreprise doit être acteur de la citoyenneté »
Qu’est-ce qui vous a amené à orienter votre parcours professionnel vers le champ des relations sociales ?
Sociologue de formation, je me suis orienté dans le domaine du social un peu par hasard, en me spécialisant en sociologie du travail puis en intégrant des structures avec des objets sociaux forts, notamment les Mutuelles. J’ai démarré ma carrière, de façon opérationnelle, au sein de directions de ressources humaines avant d’aller vers des fonctions plus larges d’accompagnement de structures associatives et mutualistes. C’est ainsi que, peu à peu, je me suis familiarisé avec l’économie sociale et solidaire (ESS) à travers ce que j’ai vécu dans le secteur mutualiste.
J’ai ensuite intégré l’UDES pour me positionner sur la fonction employeur dans l’ESS ; cela m’a permis de retrouver une dimension RH forte.
Le champ des relations sociales est fondamentalement lié à mon parcours de formation au cours duquel j’ai travaillé sur la façon dont l’entreprise interagit avec son corps social. Mon mémoire de sociologie avait notamment porté sur l’image du travail rendue par les médias et comment cette dernière rebondit sur une catégorisation des formes d’entrepreneuriat.
Ceci m’a permis ensuite d’aborder les relations sociales sous l’angle de la communication, interne et sociale. Ce qui m’intéressait plus spécifiquement au début de ma carrière était de travailler sur l’accompagnement des salariés dans la manière dont ils envisagent leur appartenance à l’entreprise et leur fidélisation à ses missions… ce qu’on appelle aujourd’hui la marque employeur.
Quel regard portez-vous sur le dialogue social et sur son rôle dans la gestion des crises diverses (sanitaire, géopolitique, économique…) ? Quelles sont les évolutions souhaitables pour l’avenir et quelles seraient les pratiques à conserver ?
Nous avons besoin du dialogue social pour conduire les transformations. J’en citerai trois : la transition écologique, le numérique et la pénurie d’emploi. Sur ces sujets, il est opportun de fonctionner en mode paritaire notamment autour de la dimension qualitative de l’emploi. Cela suppose de travailler sur les leviers d’attractivité, à savoir la rémunération et tout ce qui l’entoure : l’articulation des temps de vie professionnelle et personnelle, des cadres de travail dédiés, une réflexion autour des congés aidants, des congés bénévolat… L’entreprise peut et doit être acteur de citoyenneté pour garantir la qualité des emplois.
Au-delà, la question est de savoir si nous sommes capables collectivement d’utiliser le levier du dialogue social pour accompagner le changement sur les mutations à l’œuvre sur le marché du travail en proposant des diagnostics partagés et en mettant les salariés au cœur des projets de transformation.
Par exemple, sur la transition écologique, il est important de former les collaborateurs en intégrant la dimension environnementale à tous les niveaux et pas uniquement sur les fonctions supports (comptabilité durable, politiques d’achats, mobilité des collaborateurs, recyclage…), d’anticiper l’évolution des métiers à 10 ans et mettre en place des socles de compétences nouveaux. L’UDES, par exemple, est en train de signer avec la DGEFP la mise en place d’un EDEC (engagement de développement emplois et compétences), accord-cadre pour une approche globale des compétences et emplois autour de la transition écologique. Et ceci se doit se faire dans le cadre d’un dialogue permanent avec les organisations syndicales de salariés.
J’insiste aussi sur la complémentarité entre le dialogue social et le dialogue professionnel d’autant plus dans un contexte d’affaiblissement de la démocratie sociale dans les entreprises avec de moins en moins de salariés qui votent aux élections professionnelles. S’il n’y a pas de dialogue social formalisé en raison de l’absence d’IRP, le dialogue professionnel peut être mobilisé sur l’employabilité mais aussi sur l’employeurabilité (c’est-à-dire la capacité des employeurs à travailler la qualité des emplois, attirer les talents, limiter le turnover…). Au niveau de l’UDES nous avons pris le sujet de l’attractivité de manière large dans le cadre de notre groupe de dialogue social sous quatre aspects : le partage de la valeur, l’aide aux aidants, l’emploi des séniors et la réponse aux nouvelles aspirations des jeunes.
Vous êtes adhérent de l’association Réalités du dialogue social dont la vocation est de promouvoir le dialogue social. Pourquoi est-ce si important pour vous ?
Il est important d’avoir un lieu dénoué des enjeux de négociation où chacun défend et partage des points de vue, est curieux de découvrir les pratiques inspirantes d’autres acteurs employeurs et salariés. C’est aussi un lieu ressources qui permet de travailler sur des sujets pointus. Réalités du dialogue social a sommes toutes les caractéristiques d’un think tank.
Avez-vous vu un film, écouté un podcast ou lu un livre que vous recommanderiez à la Communauté Réalités du dialogue social ?
Ce qui me vient spontanément à l’esprit est le dernier film de Stéphane Brizé, « Un autre monde » qui retrace la situation d’un DRH pris en tenaille entre le sens donné à son travail et les logiques de marché qui l’obligent à accompagner un PSE poussé par des actionnaires peu scrupuleux. C’est un film assez remarquable qui rend compte de la difficulté de professionnels à agir dans un cadre contraint par la rentabilité de court terme. Cela reflète aussi les conséquences d’un certain capitalisme financiarisé qui place les salariés surtout dans la fonction RH, dans une forme de cynisme et d’injonction paradoxale par rapport à leur système de valeurs.