Sophie Mathé, directrice des Ressources Humaines au sein d’Inter Mutuelles Assistance – IMA


Nous avons besoin des représentants syndicaux pour faire avancer certains sujets dans l’entreprise


     

Qu’est-ce qui vous a conduit à orienter votre parcours professionnel vers le champ des relations sociales ?

Je me suis orientée avant tout vers les ressources humaines et plus particulièrement le développement RH. Je n’ai pas choisi un parcours axé sur les relations sociales, comme peut le faire un juriste par exemple. Pour autant, les RH portent cette mission de faire en sorte que chaque acteur prenne sa place dans l’entreprise et d’activer un certain nombre de leviers pour cela. C’est dans ce contexte que je m’engage sur tout ce qui a trait au dialogue social. J’accorde une place importante au rôle des représentants du personnel car ces acteurs sont essentiels pour faire avancer l’entreprise. Et plus largement, faire évoluer les modèles sociaux sur le territoire.

J’encourage à ce que ces acteurs trouvent leur bonne place au sein d’Inter Mutuelles Assistance (IMA) ; ceci n’est pas toujours facile dans la mesure où, sur certains sujets, nous ne sommes pas forcément alignés. Mais nous y travaillons. Pour cela, nous mettons notamment en place un module de sensibilisation pour nos managers afin de leur faire prendre conscience de l’importance de leur rôle dans la qualité du dialogue social.  Chaque geste, posture, échange a de la portée. Il est important de comprendre comment, en tant que manager, mieux prendre en compte les élus et, s’ils sont dans l’équipe, d’ajuster leur feuille de route pour leur permettre de mener à bien leur mandat.

Nos partenaires sociaux sont essentiels dans l’entreprise pour plusieurs raisons. D’une part, nous avons besoin d’eux pour négocier et trouver des accords sur certains sujets ; même là où les réformes permettent plus de latitude et où il n’est plus nécessaire de négocier, trouver un consensus facilite la mise en place des évolutions. Par exemple, sur le télétravail, nous avons préféré conclure un accord avec nos élus car ces derniers sont porteurs de ce qu’ils signent. Par ailleurs, très présents sur le terrain ces acteurs remontent des éléments, des alertes dont nous n’avons parfois pas connaissance et qui permettent d’avancer dans le bon sens. Avec la taille croissante de l’entreprise, ce besoin d’échanges constructifs devient de plus en plus prégnant. Leur rôle est important.

Quel regard portez-vous sur le dialogue social aujourd’hui ? Quelles évolutions sont souhaitables pour l’avenir ?

Nous avons mis en place le Comité Social Économique (CSE) en novembre 2018 et, cinq mois plus tard, des représentants de proximité sur notre deuxième site, ouvert fin 2018. La mise en place de cette instance est compliquée car nos représentants syndicaux ne sont pas favorables à cette réforme. A contrario, je pense que c’est plutôt une bonne réforme mais il faut leur permettre de retrouver leur place. Nous travaillons depuis un an à essayer de bien les repositionner dans leur rôle, se mettre d’accord avec eux sur les sujets pour lesquels ils apportent de la matière et de la valeur ajoutée.

S’agissant du dialogue social au niveau national et les répercussions sur nos organisations en interne, nous constatons que certaines convictions n’ont pas bougé au même rythme que les préoccupations des salariés. Les instances nationales n’ont pas avancé assez vite et se trouvent sur certains sujets en décalage avec les attentes des salariés et les réalités au sein des entreprises. Je prends l’exemple du télétravail pour notre groupe ; les organisations syndicales y étaient majoritairement défavorables alors que les salariés le demandaient depuis longtemps. Idem pour le vote électronique utilisé depuis de nombreuses années pour les élections professionnelles au sein d’IMA face à des organisations syndicales qui y sont défavorables ; or le vote électronique s’inscrit pleinement dans les évolutions technologiques que nous connaissons depuis plusieurs années et qui ne font que s’accélérer.

Quand nos élus suivent leurs centrales et les directions impulsées au niveau national, ils s’éloignent ainsi parfois des attentes des salariés sur le terrain. Ces postures conjuguées aux ordonnances Travail, les bousculent un peu dans la conduite de leurs missions. Une prise de conscience des organisations syndicales au niveau national doit avoir lieu pour faire bouger leur façon de voir le monde et prendre en compte l’accélération des transformations qui s’opèrent.

Pour revenir aux enjeux à venir au sein des entreprises, se posent effectivement la question de leurs rôles au sein même de ces dernières mais aussi celle de leur engagement en termes de Responsabilité Sociale Environnementale. Nous sortons du strict champ du métier de l’entreprise et de son organisation. Nous constatons que nos représentants des organisations syndicales s’emparent du sujet pour inciter l’entreprise à s’insérer dans des schémas responsables. Globalement les citoyens sont sensibilisés aux questions environnementales et ont besoin de trouver le pendant dans le milieu professionnel.

Vous êtes adhérent de l’association Réalités du dialogue social dont la vocation est de promouvoir le dialogue social. Pourquoi est-ce si important pour vous ?

Le dialogue social part de la conviction ambitieuse qu’un débat fécond est susceptible de résoudre des questions économiques et sociales importantes, de promouvoir la bonne gouvernance, de favoriser la paix et la stabilité sociale et de stimuler l’économie. Il se place donc comme un mode de régulation sociale, qui vise à limiter la possibilité d’un pouvoir unique et absolu. On parle beaucoup de la richesse liée à la diversité et nos Organisations Syndicales contribuent à enrichir celle-ci.  Le dialogue social participe à la bonne marche de l’entreprise et à la prise en considération des salariés, et de leur participation active à la vie de l’entreprise.

Si les représentants syndicaux sont ambassadeurs d’un certain nombre de sujets, ils vont nous aider à avancer. Quand nous signons des accords, ils vont forcément accompagner le mouvement.

Il y a un vrai travail d’acceptation sur le terrain des rôles des élus syndicaux. La délégation d’heures fait partie des moyens qui leur permette de mener à bien leur mission : il est important que les managers en aient pleinement conscience ; c’est la clé car dès lors que les représentants des organisations syndicales sont intégrés comme de véritables parties prenantes dans l’entreprise, ils agissent plus en confiance, peuvent faire évoluer leur point de vue sur certains sujets et prendre de la distance par rapport à certaines directives nationales.

Avez-vous vu un film ou lu un livre que vous recommanderiez à la Communauté Réalités du dialogue social ?

 

Une lecture intéressante :  » L’intelligence artificielle n’existe pas  »  de Luc Julia, le cocréateur de Siri déconstruit le mythe de l’IA !

 

 

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