27 Mar Vincent Maurice, directeur des Affaires Sociales du groupe VINCI
« Faire des relations sociales, c’est être en prise avec le quotidien et ne pas rester
dans sa tour d’ivoire »
Qu’est-ce qui vous a amené à orienter votre parcours professionnel vers le champ des relations sociales ?
J’ai toujours pratiqué les relations sociales. Il est vrai, au début, sous un angle plus juridique compte tenu de ma formation. Puis j’ai connu une phase d’apprentissage auprès de plusieurs DRH qui m’ont ouvert la voie et m’ont fait comprendre comment animer les relations sociales, avec des règles essentielles que je retiens toujours : le respect mutuel entre interlocuteurs, l’humilité – une qualité cruciale quand on fait ce métier – et l’importance de construire des relations de confiance. J’ai expérimenté les relations sociales dans l’accompagnement de gros projets de réorganisation, de restructuration. Au fur et à mesure, le droit est devenu un outil et non plus une fin en soi. Ce qui m’a toujours plu, et c’est en cela que nous faisons un métier passionnant, c’est que nous sommes amenés, dans le cadre des relations sociales, à répondre à des questions aussi bien sur la stratégie de l’entreprise que sur les enjeux de sécurité, de prévention, de partage de la valeur ou encore des sujets environnementaux.
Un dialogue qui se passe bien repose sur la confiance et le travail ; nous nous devons d’être réactifs et aussi attentifs aux préoccupations de tous les jours. Il faut anticiper et donc ne pas vivre en vase clos. Pour que les relations sociales soient pertinentes et utiles, nous devons les faire vivre au service de nos métiers et des pratiques opérationnelles. Nous gagnons le respect de nos interlocuteurs quand nous leur montrons que nous savons de quoi ils parlent et de quoi nous parlons. C’est ce que j’ai appris au fil de ma carrière et que je continue à apprendre au quotidien, dans ma façon d’exercer mon travail.
Quel regard portez-vous sur le dialogue social et sur son rôle dans la gestion des crises diverses (sanitaire, géopolitique, économique…) ? Quelles sont les évolutions souhaitables pour l’avenir ?
La période Covid. Je l’utilise toujours comme un exemple pour convaincre de l’importance du dialogue social. Cela a été un vrai crash test pour identifier si le dialogue social était mature ou non. Dans les organisations avec un bon niveau de dialogue et de vraies relations de confiance durables, nous avons pu faire preuve de souplesse et de réactivité pour accompagner nos activités, que ce soit au moment de leur suspension ou de leur reprise, et pour porter des messages. Cela montre à quel point les relations sociales, qui sont des relations humaines construites dans la durée, et bien au-delà des étiquettes syndicales, sont indispensables pour gérer les situations de crise. Aujourd’hui, par exemple sur le sujet de l’inflation, nous nous rendons compte combien il est important d’avoir un dialogue social récurrent car cela permet de bien sentir le terrain, d’identifier les réponses les plus adaptées et dans la bonne temporalité.
Finalement, cela nous permet d’être au plus juste pour avoir une organisation qui continue à bien tourner. C’est bien l’objectif des relations sociales que de mettre de l’huile dans les rouages, au quotidien, pour que l’entreprise fonctionne. Les vrais enjeux pour l’avenir consistent à bien maintenir partout du dialogue social et s’attacher à avoir des interlocuteurs, capables de toujours porter la parole des salariés et du collectif. Quand les organisations syndicales se font dépasser par la base, c’est là que les choses se compliquent. Continuer à avoir des représentants syndicaux et du personnel dans l’entreprise est primordial car cela nous permet aussi de faire porter nos messages, de faire preuve de pédagogie et de dégager parfois des compromis pour sortir de situations parfois complexes. Il faut donc être capable de valoriser les représentants du personnel et demeurer vigilants dans la façon d’exercer le dialogue social. Cela repose essentiellement sur des relations humaines et interpersonnelles, d’où ma réserve quant à l’usage du « tout-distanciel ». Notre métier reste une affaire de contacts humains.
Vous êtes adhérent (e) de l’association Réalités du dialogue social dont la vocation est de promouvoir le dialogue social. Pourquoi est-ce si important pour vous ?
S’agissant de l’association, cela nous ait apparu rapidement évident car nous avons vu le travail qui a été fait, sur la base d’échanges de pratiques et de points de vue. L’association nous permet de voir comment cela se passe ailleurs, de tirer de bonnes idées, de se rendre compte qu’il y a des choses que nous abordons bien, d’autres que nous pourrions faire mieux et d’identifier ce qui est duplicable ou pas par rapport à la réalité de nos organisations. Ce cadre nous permet aussi d’échanger avec des personnes qui partagent les mêmes convictions que nous sur l’importance du dialogue social : avec ce préalable, nous pouvons rapidement avoir des discussions très riches.
Promouvoir le dialogue social, c’est s’attacher à faire partager une double conviction :
- qu’au-delà des intérêts individuels a priori contradictoires, il est possible de faire émerger un compromis, un intérêt collectif,
- que le dialogue social constitue un élément de la performance de nos entreprises. Chez VINCI, nous parlons beaucoup de performance globale et sommes convaincus de l’interdépendance entre les performances économique, sociale, technique et environnementale. Cette culture de l’échange avec nos partenaires sociaux doit être intégrée dans le logiciel de nos managers : c’est notre rôle et celui de l’association, pour casser l’image parfois véhiculée dans les médias.
Avez-vous vu un film, écouté un podcast ou lu un livre que vous recommanderiez à la Communauté Réalités du dialogue social ?
J’ai tout de suite pensé à un auteur que j’aime beaucoup, Clément Viktorovitch, qui a publié en 2021 un ouvrage « Le Pouvoir rhétorique : apprendre à convaincre et à décrypter les discours » et qui intervient chaque semaine sur France info. Docteur en sciences politiques, il défend la thèse suivante : la nécessité, pour tous, d’être formés à l’art de la rhétorique pour comprendre le sens des mots, la construction des phrases… et ainsi être en mesure aussi bien de réussir à emporter l’adhésion que de se défendre contre risque de manipulation ou de fake news. Je partage cette idée, d’autant plus dans nos métiers.